Francesca Anselmi, alumna, directrice de CIPASS au City College de New York : gagner en confiance, la donner en retour 

Francesca Anselmi, alumna du Learning Planet Institute, Directrice de Cipass au City College de New York

Francesca Anselmi, alumna de l’École Doctorale FIRE, a passé les vingt-quatre premières années de sa vie à Padoue, en Italie. Première femme de sa famille à étudier dans le domaine des sciences, elle fait un voyage d’études à Paris dans les années 2000. Ce séjour parisien est le point de départ d’un chemin fait de confiance et d’interdisciplinarité, qui la mène de Paris à New-York. Rencontre.

Francesca Anselmi vit à New-York, avec son mari et ses deux filles : Sylvia, 4 ans et demi, et Irene, 2 ans et demi. « Nous avons la chance d’habiter dans un quartier de maisonnettes avec jardin. À New-York, il peut être très compliqué de se loger. » Francesca est née en Italie, à Padoue. Elle y a vécu pendant vingt-quatre ans, de sa naissance à ses études à l’université. « Mon père était un architecte impliqué dans le mouvement coopératif en Italie, mais j’étais la première de ma famille à étudier les sciences « dures », et en plus, j’étais une femme. ».

Francesca aime l’Italie, un pays de culture et d’histoire, mais elle étouffe un peu. « En tant que personne bisexuelle, en tant que femme dans les sciences, c’était parfois difficile pour moi. » admet-elle. Au lycée, elle a la chance d’avoir plusieurs enseignant·e·s inspirant·e·s. « Nous fonctionnions en pédagogie de projet, c’était très intéressant. » À cette occasion, Francesca, qui étudie les sciences, l’anglais et le français, se rend à Paris pour la première fois avec sa classe. « C’était la première fois que je voyageais toute seule, comme une grande ! » s’exclame-t-elle. 

Le voyage d’études parisien laisse des traces indélébiles chez Francesca. « Nous faisions un projet avec des étudiant·e·s allemand·e·s à La Villette. Nous devions faire de la recherche, et mes ami·e·s et moi avions choisi la thérapie génique, sujet peu exploré à l’époque. »

Étudiante à l’Université de Padoue après le lycée, elle choisit la biologie et la physique au sein d’un cursus interdisciplinaire. « Je m’intéresse à beaucoup de choses, cette interdisciplinarité me convient parfaitement. » Alors qu’elle étudie la biologie moléculaire et souhaite poursuivre en thèse, un collègue de laboratoire lui parle du Learning Planet Institute. 

« J’ai fait mes recherches et je me suis dit que cet endroit me correspondait parfaitement. Et comme j’étais tombée amoureuse de Paris et passionnée de langue française, je ne voyais pas ce qui pouvait me retenir ! ». Francesca s’installe donc à Paris en 2008 pour faire son PhD en optique et neurosciences à l’École Doctorale FIRE au Learning Planet Institute. « L’Institut est un lieu qui m’a transformée. Aucun endroit n’abrite une telle concentration de talents ! », se réjouit Francesca. Elle se souvient surtout de ses camarades étudiant·e·s, et de leur liberté d’interagir et d’apprendre les un·e·s des autres.

« J’avais une communauté de collègues incroyable. Nous apprenions beaucoup entre pairs. »

Pourtant, au départ, Francesca est très sérieuse. « Je me souviens que je travaillais dur, et qu’il y’avait une soirée Wine & Cheese obligatoire. Je me disais « Mais pourquoi ? Je dois travailler, c’est absurde ! » Et finalement, j’ai compris. C’était un moment indispensable : nous avons ouvert nos cœurs et nos esprits, échangé, et appris des autres. » Lors de cette soirée et tout au long de son doctorat, Francesca a pu se faire des ami·e·s qui étudiaient la philosophie, la biologie ou encore l’écologie. « La première fois que nous sommes parti·e·s en séminaire tou·te·s ensemble, nous sommes resté·e·s éveillé·e·s jour et nuit. Nous avions tant à partager et à apprendre les un·e·s des autres ! » 

Learning Center - Learning Planet Institute
©Quentin Chevrier

À l’Institut, Francesca évolue dans un endroit sûr, dans lequel elle se sent bien, et où elle se sent surtout en confiance. « Je n’ai jamais été habituée à ce qu’on me donne confiance. J’ai toujours fait ce que je devais faire. J’étais bonne élève, je suivais une sorte de « mission ». Au Learning Planet Institute, on nous donne un espace de confiance incroyable. On nous dit : « Tu veux monter un club ? Vas-y. On te donne le budget pour que tu tentes. » Ils croient vraiment en notre potentiel d’action. »

Francesca ne s’aperçoit pas tout de suite du pouvoir de cet espace de confiance qui lui est donné. En attendant, elle se nourrit de ses collègues, de l’interdisciplinarité qui lui correspond tant, et des intervenant·e·s qui viennent de partout dans le monde. 

La thèse de Francesca s’intitule « Méthodes optiques avancées pour le contrôle de l’activité cérébrale » : elle construit des microscopes pour pouvoir comprendre le fonctionnement du cerveau en activant un groupe spécifique de cellules, et enregistrer leur activité pour pouvoir les analyser. Elle soutient sa thèse en 2011 et trouve un post-doctorat aux États-Unis. « Mon idée, c’était de revenir à Paris. J’aime tellement cette ville, je me voyais m’y installer sur le long-terme. » 

Mais la vie en décide autrement. Francesca se rend à New York, à Cold Spring Harbor afin de concevoir un nouveau microscope. « Pendant mon postdoc, je donnais des cours, j’allais à des conférences, et j’adorais ça ! ». Mais Francesca vit un moment de crise à l’approche de ses trente ans : elle fait une dépression, son corps et son esprit ne veulent plus coopérer. « C’était une période très difficile », se souvient-elle. « J’avais l’impression d’avoir les attentes de trois générations sur mes épaules ». 

C’est alors qu’elle trouve la force de se demander comment aller de l’avant. La réponse est toute trouvée :

« Je me suis dit : ce que j’aime par-dessus tout, c’est enseigner. J’ai un amour profond pour l’enseignement. ».

Pendant son postdoc, on lui présente un groupe de scientifiques au projet fou : « Ils avaient réquisitionné un bus de la ville de San Francisco, qui datait de 1976 et ils s’en servaient pour faire découvrir les sciences dans les rues de New York. » Pour Francesca, c’est un coup de foudre. Elle adhère au projet du BioBus et s’y implique très rapidement. « New York est une ville bourrée de talents, mais aussi très inégalitaire. Il y a beaucoup de ségrégation. Certaines parties de la ville sont très riches, d’autres pas du tout. Mais ce n’est pas pour autant qu’ils ne disposent pas de ressources pour faire de grandes choses. »

Quand Francesca commence au BioBus, elle travaille toujours au laboratoire pour son postdoc, mais les conversations qu’elle a avec les jeunes, les interactions avec les familles et les professeur·e·s, lui font un déclic. « Je me sentais à ma place dans ces échanges, lorsque je conduisais le bus, quand j’interagissais avec les jeunes. J’ai décidé de changer de carrière à ce moment-là ».

Francesca Anselmi, alumna de l'école doctorale FIRE au Learning Planet Institute, a passé les vingt-quatre premières années de sa vie à Padoue, en Italie. Première femme de sa famille à étudier dans le domaine des sciences, elle fait un voyage d’études à Paris dans les années 2000. Ce séjour parisien est le point de départ d’un chemin fait de confiance et d’interdisciplinarité, qui la mène de Paris à New-York. Rencontre.

Durant sept ans, Francesca fait partie de l’équipe de BioBus. « Nous avons construit des laboratoires communautaires à Harlem, nous avons conduit le bus de Denver à New York… Nous avons vécu des moments inoubliables. » Francesca s’épanouit, et l’équipe s’agrandit. De mentor, elle devient manager (« Malheureusement, on est toujours promu à un moment donné », ironise-t-elle humblement) et apprend alors à lever des fonds et à échanger avec le monde universitaire.

« Au BioBus, j’ai eu la chance de rencontrer Latasha Wright, femme noire du Mississipi, ma mentor. Elle m’a donné confiance et a fait sortir de moi la petite fille effrayée. » Dans l’équipe, elle travaille aussi avec de jeunes femmes latino, qui lui font réaliser, en toute bienveillance , le privilège qu’elle a d’être blanche, en particulier aux États-Unis.

« Cela m’a vraiment été précieux. Je croyais comprendre, je ne comprenais pas. Elles ont fait preuve de patience et de pédagogie avec moi. J’en suis très reconnaissante. », dit-elle, émue. 

L’interdisciplinarité et la confiance qui ont tant marqué Francesca lors de ses études au Learning Planet Institute sont ses fers de lance : elle développe des programmes aux diverses matières, et essaie surtout de tout faire pour créer un cadre de confiance pour ses étudiant·e·s. « J’ai commencé à réaliser que mon passage à l’Institut avait vraiment eu un impact de long terme sur moi. » 

Pendant l’épidémie du Covid-19, le BioBus rencontre des difficultés et la vie de Francesca change : elle devient maman de deux petites filles. C’est le temps d’un nouveau changement. « J’ai suivi un programme pour développer mes compétences en leadership. Je me disais : je suis privilégiée, comment puis-je utiliser cette éducation, ces compétences pour avoir un impact sur la société ? ». 

Francesca a une autre mentor : Doris Cintron, Senior Associate Provost au City College de New York City, qui fait partie de la City University of New York, qui introduit Francesca à un nouveau projet. Cette initiative, c’est CiPASS (The City College Initiative to Promote Academic Success in STEM), un programme du City College pour la promotion de la réussite scolaire dans le domaine des STEM (sciences, technologie, génie civil et mathématiques)). Elle vise à accompagner les jeunes les moins favorisé·e·s vers les études supérieures grâce à l’apprentissage des sciences. 

Cela fait un an que Francesca est directrice exécutive de CiPASS, et elle prend un grand plaisir à mener cette nouvelle mission. « C’est une initiative focalisée sur l’inclusion. Nous faisons en sorte que l’université soit un environnement propice au développement des talents des jeunes. Nous avons de nombreux projets et des programmes pour les soutenir, et je suis très heureuse de pouvoir les aider à trouver leur voie et poursuivre leur chemin. »

Francesca est proche des jeunes qu’elle accompagne, et souhaite faire au mieux pour leur épanouissement. « Iels m’impressionnent toujours. J’apprends chaque jour un peu plus d’eux·elles. Certain·e·s montent des startups ou des ONG à 20 ans ! », dit-elle ébahie. 

Une dizaine d’années après ses études à Paris, Francesca peut l’exprimer clairement : « Sans mon passage au Learning Planet Institute, où j’ai senti pour la première fois de ma vie que l’on me faisait totalement confiance, je n’aurais pas changé de carrière. ». Cette confiance, Francesca la transmet à ses étudiant·e·s :

« En tant qu’éducateur·rice, on est juste un.e facilitateur·rice. Quand on lâche prise, quand on laisse place à la confiance, quand on permet aux jeunes d’être eux·elles-mêmes, la magie opère », se réjouit-elle. 

Émue, elle conclut : « L’Institut m’a permis de changer de voie. Je ne l’ai pas réalisé tout de suite. La floraison prend du temps, il faut savoir être patient. » À l’aube du printemps, on ne pouvait trouver plus jolie métaphore.


En savoir plus sur l’École Doctorale « Frontières de l’Innovation en Recherche et Éducation » (FIRE) : site de l’École Doctorale FIRE


Cette publication s’inscrit dans le cadre de la Chaire UNESCO « Sciences de l’apprendre », établi entre l’UNESCO et Université Paris Cité, en partenariat avec le Learning Planet Institute.
Les idées et opinions exprimées dans cette publication sont celles des auteurs. Elles ne représentent pas nécessairement les vues de l’UNESCO et n’engagent en rien l’Organisation.

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